Lisa dans un pré avec ses deux chiens

Et si on commençait par la prévention ?

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Lisa Pettier est vétérinaire et comportementaliste.

Contrairement à de nombreux vétérinaires formés à la CAC, elle n’a pas effectué sa formation après son diplôme de vétérinaire, mais en parallèle de celui-ci puisqu’elle a effectué sa thèse* aux côtés du Docteur Nathalie Simon.

Son approche est donc un peu différente car elle a réalisé des consultations d’éducation et de comportement dès sa sortie d’école, qu’il s’agisse de « prévention », de « rattrapage » ou de « rééducation » telles que définies dans la méthode.

Depuis 3 ans en poste dans une clinique importante du Finistère, elle a pu y déployer la méthode de la Conduite Accompagnée du Chien avec une grande autonomie, bénéficiant non seulement de la confiance des autres vétérinaires, moins formés qu’elle sur la méthode, mais aussi d’infrastructures adaptées, telles qu’un parc clôturé comportant un couloir grillagé mais aussi d’un chemin de balade à proximité où il est possible de travailler les balades en liberté.

Nous l’avons interrogée sur sa pratique de la CAC

« Il faut aussi beaucoup aimer les humains, pour pratiquer la conduite accompagnée du chien » déclare Lisa « et aussi savoir faire preuve de psychologie envers eux comme envers leur animal, pour prendre soin de leur relation ».

Faire de la « prévention »

J’aborde systématiquement l’éducation du chiot lors de la primo-vaccination, car les questions sur la propreté, la solitude ou les mordillements sont fréquentes.

Il est impossible de réaliser un accompagnement éducatif satisfaisant en se contentant de ces consultations vaccinales, mais il est important de donner « le goût de la CAC » aux propriétaires afin qu’ils comprennent l’importance de ces questions dès l’arrivée du chiot, afin qu’il devienne un chien équilibré.

J’ouvre une porte vers la suite, je sème une graine.

La conduite accompagnée du chien nécessite un investissement important auprès de l’humain. Les premières consultations éducatives et comportementales durent deux heures. Le déroulement du suivi dépend ensuite de chaque situation ;  il n’y a pas de formule toute prête ou appliquée de manière systématique.

Pour ce qui est des chiots en prévention ou en rattrapage, il m’apparait cependant primordial de les faire participer à des séances semi-collectives, durant lesquelles ils ont l’occasion d’interagir entre eux.  Je précise « semi », pour les distinguer de la plupart des cours canins dans lesquels le nombre de chiens peut être très important.

Pour ma part, je me limite à 2 voire 3 chiots au cours d’une même séance.

Selon les problématiques, il m’arrive fréquemment de mettre en place de telles séances pour les chiens qui sont en rééducation aussi (au-delà de 6 mois d’âge).

Je peux également compter sur ma chienne si besoin, car sa présence est apaisante pour beaucoup de chiens. 

Trois ans après son arrivée dans la clinique, Lisa bénéficie désormais d’un bâtiment à part dans la structure :

Je laisse d’abord le chien évoluer dans la pièce sans interagir avec lui. C’est d’une grande plus-value à chaque fois, car c’est une mine d’informations sur le caractère et l’état émotionnel du chien, ainsi que sur la relation propriétaire-chien.

Lors de mes interactions avec le chien, je prends vraiment le temps de commenter tout ce que je fais, et de montrer au propriétaire les signaux que le chien m’envoie, et ce que cela signifie. Je fais de même lors des « récrés », qui sont les moments d’interactions libres entre les chiens lors des séances collectives.

Il est important que les humains sachent lire le langage canin.

Créer un lien de confiance avec l’humain et avec l’animal

Avec le propriétaire et/ou la famille, je vais créer un lien de confiance.

Une relation cordiale qui permettra là-aussi une prise en charge optimale. Ainsi, il n’hésitera pas à revenir, que ce soit pour une question médicale ou pour poursuivre l’apprentissage avec son chien. Un chiot ayant bénéficié de la CAC ne présentera pas d’anxiété lors de sa venue chez le vétérinaire, et ne sera pas agressif envers ses congénères.

J’incorpore également le Medical Training** à mes séances.

L’expérience qui vient avec la pratique de la Conduite Accompagnée du Chien me permet de m’adapter et d’enrichir ma pratique.

Elle m’a amenée à avoir une lecture des chiens plus nuancée et de réfléchir à leur approche, autant en consultation comportementale que médicale. Par exemple, le langage corporel et l’attitude ne seront pas tout à fait les mêmes s’il  s’agit d’un animal très excité ou bien dans un état de grande anxiété. Pour cette raison, j’ose davantage approcher un chien dit « agressif », là où d’autres n’essaieront pas.

« Les personnes qui viennent nous voir sont d’origines variées et en consultation comportementale, on entre dans l’intimité des gens. Savoir créer la confiance permet à chaque propriétaire de chien de s’ouvrir, et à nous, vétérinaire, de mieux les accompagner ».

Il est important de se rappeler que le chien est une éponge émotionnelle.

Quand son maitre est en confiance, le chien l’est aussi et cela a un impact sur ce que le chien me laisse faire.

A l’inverse, si le propriétaire est anxieux, le chien va le sentir. Les deux sont interdépendants, et dans ce cas, je sais que ma priorité est de m’occuper de l’humain, pas du chien.

Bien sûr, le lien est parfois plus difficile à établir avec certains propriétaires ; la richesse de la CAC est qu’avec sa pratique on apprend naturellement à trouver l’angle d’approche pour créer de la connexion avec l’humain aussi.

Un des principes clés de la CAC est de ne pas oublier que chaque ensemble famille-chien est différent et c’est seulement en le prenant en compte que l’on peut apporter des solutions pérennes.

Donner envie aux vétérinaires

Quand les propriétaires ont vu plusieurs éducateurs avant moi ou cherché des conseils sur internet, je redouble de vigilance. Il y a aujourd’hui plusieurs approches éducatives complétement différentes qui coexistent, ce qui embrouille grandement les familles, et par conséquent, leurs chiens.

Cela peut être dramatique. En seulement quelques années, j’ai déjà de nombreux exemples en tête de chiens que leurs propriétaires avaient songé à abandonner, sans même parler de l’euthanasie.

Même pour les vétérinaires, il peut être compliqué de s’y retrouver. S’ils ont envie de faire le tri entre les différentes pratiques éducatives et leurs conséquences, qu’ils ont envie de prendre du recul, le module « prévention » de la CAC peut leur apporter des réponses. Ils se feront ensuite leur propre avis.

J’ai du mal à résumer en quoi consiste la CAC tant la méthode est complète et cohérente.

Je sais cependant que la prévention est à la base de la méthode car il faut déjà la comprendre et la maitriser pour pouvoir ensuite travailler avec des chiens présentant des conduites problématiques.

La CAC nous apprend l’humilité.

La CAC nous apprend à être capable de porter un regard critique sur les pratiques éducatives comme sur son propre travail.

La pédagogie au coeur de la CAC

Il est primordial que les propriétaires comprennent pourquoi on leur conseille telle attitude ou tel exercice. 

Pour finir, je crois que la plupart des vétérinaires sont émotionnellement surchargés.

Equilibrer vie pro et vie perso n’est simple pour personne, a fortiori lorsque l’on travaille avec du vivant.

Faire face aux émotions des propriétaires peut alors être un challenge. Les consultations comportementales créent une bulle d’intimité dans laquelle nous sommes confrontés à leur détresse et leur frustration.

Mais c’est aussi pour cela que la pratique de la CAC est enrichissante : Le relationnel avec les propriétaires est très valorisant, notamment parce qu’ils nous écoutent et manifestent de la reconnaissance.

On se sent utile, d’une manière bien différente de la pratique clinique.

*Etude comportementale longitudinale du chien, de l’abandon à l’adoption par la méthode de la conduite accompagnée du chien.

**Le medical training consiste à entraîner les animaux à recevoir de manière volontaire et confortable, des soins quotidiens, vétérinaires et d’hygiène.